Législatives 2024 – NFP, RN… qui a vraiment gagné ?
- EluScope
- 16 sept.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 sept.
I. Introduction – Une victoire introuvable
“Qui a gagné ?” La question a tourné en boucle le soir du 7 juillet 2024. Sur les plateaux de télévision, les bandeaux affichaient en même temps “RN vainqueur” et “NFP majoritaire”. Sur les réseaux sociaux, chacun brandissait son interprétation des chiffres. Dans les conversations, un doute s’installait : si deux camps se proclament vainqueurs, qui croire ?
La réponse n’est pas simple. Car derrière la confusion médiatique se cache une subtilité institutionnelle : la différence entre coalition électorale et groupe parlementaire. Peu connue du grand public, elle a pourtant permis au président de garder la main sur le jeu politique — et d’alimenter un désenchantement démocratique déjà profond.
II. Les résultats en chiffres – une arithmétique piégée
Au soir du scrutin :
Selon la labellisation officielle (ministère de l’Intérieur) : NFP 180 sièges, Ensemble 159, RN (et alliés) 142, LR 39.
Selon les classements médias (ex. Le Monde, agrégés) : NFP 182, Ensemble 168, RN 143, LR 45.
À l’échelle électorale, le NFP l’emporte comme coalition. Mais dans l’hémicycle, ce sont les groupes parlementaires qui pèsent : le RN, bloc unifié, apparaît comme le plus puissant.
Participation : 66,71 % au 1er tour (abstention 33,29 %) et 66,63 % au 2nd (abstention 33,37 %) — avec environ 1 192 834 votes blancs au 2nd tour (4,14 % des votants ; 2,75 % des inscrits). C’est le plus haut niveau de participation depuis 1997.
III. Coalition électorale vs groupe parlementaire – la clé de lecture
La distinction est cruciale :
Une coalition électorale est un accord ponctuel pour les élections, sans existence institutionnelle. Exemple : le NFP, alliance fragile de partis de gauche.
Un groupe parlementaire est une structure officielle de l’Assemblée : avec des financements, du temps de parole, des présidences de commissions.
Ainsi, le NFP existe dans les urnes, mais pas dans l’Assemblée en tant que bloc unique. Chacun — PS, LFI, Écolos, PCF — reprend son autonomie. Le RN, en revanche, constitue un seul groupe uni et discipliné. Voilà pourquoi il a pu être présenté comme le “vainqueur”, même avec moins de sièges que le total de la gauche.
IV. Le jeu institutionnel du président – ambiguïté exploitée
La Constitution (article 8) est claire : le président nomme le Premier ministre. Mais en l’absence de majorité absolue, le texte lui laisse une marge d’interprétation.
Emmanuel Macron a joué sur cette ambiguïté. Officiellement, le RN et le NFP pouvaient revendiquer une victoire. Mais aucun n’avait les 289 sièges nécessaires pour gouverner seul. Résultat : le président a pu continuer à nommer des Premiers ministres issus de sa majorité relative, s’appuyant sur la division du NFP et l’isolement du RN.
Jordan Bardella, furieux, dénonçait “un déni de démocratie”. Jean-Luc Mélenchon, lui, martelait que “le peuple a choisi le NFP”. Mais à l’Élysée, le calcul était différent : tant qu’aucun bloc n’est homogène et majoritaire, l’arbitre reste le président.
V. Conséquences citoyennes – quand le vote perd sa valeur
Le résultat, pour les Français, est un sentiment d’impuissance. Le vote ne se traduit pas par une majorité claire, et la gouvernance repose sur :
des blocages parlementaires,
le recours répété au 49.3,
une impression d’instabilité chronique.
Pour beaucoup, la conclusion est amère : “À quoi bon voter, si tout se décide ailleurs ?” D’où l’abstention croissante et la défiance. Le paradoxe est cruel : plus les électeurs se détournent des urnes, plus le système verrouillé se renforce.
VI. Victoire des partis, défaite de la confiance
Qui a gagné les législatives 2024 ? Le RN, premier groupe. Le NFP, première coalition. Et au final, Emmanuel Macron, qui conserve la main grâce aux règles institutionnelles.
Mais le vrai perdant est ailleurs : c’est la confiance citoyenne. Quand l’arithmétique électorale ne se traduit pas en pouvoir réel, la démocratie se délite.
Une comparaison internationale le montre bien : en Allemagne, une coalition électorale devient automatiquement un groupe de gouvernement ; au Royaume-Uni, le scrutin majoritaire produit une majorité claire. En France, au contraire, la confusion nourrit le désenchantement.
Faut-il alors réformer le mode de scrutin, clarifier le statut des coalitions, redonner un sens au vote ? Autant de pistes pour éviter que les législatives deviennent un théâtre où tout le monde se proclame vainqueur, mais où les électeurs ont l’impression d’avoir perdu.
FAQ
Qui a vraiment gagné les législatives 2024 ?Le RN est arrivé en tête comme groupe parlementaire (144 sièges), mais le NFP est la première coalition (178 sièges cumulés).
Quelle est la différence entre NFP et RN à l’Assemblée ?Le RN est un groupe unique, le NFP est éclaté en plusieurs groupes (LFI, PS, Écolos, PCF).
Pourquoi Macron choisit-il encore ses Premiers ministres ?Parce que la Constitution lui en donne le droit en l’absence de majorité absolue.
Pourquoi les Français ne votent plus ?Parce qu’ils estiment que leur vote n’a pas d’effet direct sur la gouvernance, ce qui nourrit abstention et défiance.

Commentaires